L’histoire et la culture du Morvan sont intimement liées à sa forêt. Au début du XIXème siècle, elle couvre 30% du territoire ; il s’agit d’une hêtraie-chênaie, dans laquelle s’insèrent ça et là des bouleaux, des charmes et des châtaigniers. L’enrésinement apparaît au milieu du XIXème siècle dans quelques forêts privées. Ces pratiques restent très marginales, au point que 135 ans plus tard, au milieu des années 70, les surfaces enrésinées ne représentent pas plus du quart des surfaces boisées. Ensuite, c’est l’emballement au point que le taux d’enrésinement dépasse 50% en 2003. Ce chiffre résume à lui seul la profonde mutation subie par la forêt morvandelle : enrésinement massif, généralisé, incontrôlé. Grâce à des subventions publiques et des allégements fiscaux, les plantations ont pris la place des forêts traditionnelles de feuillus, mais également dans une moindre part d’anciennes terres agricoles. Si rien ne change, le feuillu du Morvan est bel et bien en voie d’extinction, d’autant que nous sommes à une période charnière pour le devenir de la forêt car de nombreux peuplements de résineux seraient exploitables selon les gestionnaires. L’association écologiste Autun Morvan Ecologie se bat pour une exploitation selon des pratiques sylvicoles proches de la nature : arbres de tous âges, essences mélangées…
Etat des lieux
1993 : L’association Autun Morvan Ecologie lance une vaste campagne de protestation contre l’enrésinement du Morvan.
En juillet de la même année, Valérie BERNADAT fait la grève de la faim pour sauver la forêt de la Bresseille.
AME fait paraître l'avis de décès du dernier feuillu et procède à son enterrement en défilant avec un cercueil dans les rues d'Autun. Le combat s’intensifie par des pétitions dont une adressée au Président du Parc pour lui demander de prendre en compte le problème d'enrésinement dans le projet de la nouvelle charte. Les réponses des Présidents successifs ont été : nous partageons votre inquiétude mais les Parcs Naturels Régionaux n'ont pas la capacité d'imposer… Leur seule arme : discuter, négocier, convaincre…Et c’'est encore ainsi actuellement.
1994 : grande campagne de pétitions (slogan «Les forêts malades des grands groupes») contre AXA assurances qui a enrésiné 1200 hectares entre St Germain de Modéon et Saint Agnan et la Caisse d'épargne de Paris (1800 ha à Arleuf).
Un sondage réalisé par l'IPSOS pour AME auprès de 306 personnes conforte la lutte. En effet 64 % des sondés estiment qu'il faut agir, 57 % que les coupes à blanc et les plantations de sapins font courir des risques pour l'environnement.
1998 : l’association obtient avec deux associations locales le classement du Mont Préneley.
Un article d'Autun Morvan Ecologie retrace la situation suivante: en 1982, 22% des surfaces boisées étaient enrésinées et en 92 nous avons dépassé les 50 % ce qui constitue une catastrophe écologique . Le système de futaie régulière engendre des opérations brutales, coupes rases, drainages, utilisation de produits chimiques mécanisation importante, sacrifice d'innombrables arbres en place, plantation de clones de résineux…. Et déjà nous dénoncions l'intoxication des esprits avec des slogans tels que le douglas arbre roi, la biodiversité c'est la coupe rase, la forêt doit être exploitée sinon elle meurt, les arbres viennent à maturité il faut les couper.
2000 : un « Comité de Soutien des Feuillus du Morvan » recueille plus de 4.500 adhésions.
2003 : AME crée le Groupement Forestier pour la Sauvegarde des Feuillus du Morvan, le premier groupement de ce type créé en France, afin de mettre en actes ce que nous prônons. Et ceci pour acheter une partie du domaine de Montmain (270 ha) avec la collaboration de la ville d'Autun et du Conservatoire des Espaces Naturels Bourguignons afin de préserver ce site exceptionnel d'une destruction probable. Fin 2020 grâce à plus de 900 associés le GFSFM est propriétaire de 360 ha sur 20 forêts localisées sur les 4 départements de Bourgogne. C’est un engagement collectif extraordinaire. Ces parcelles sont gérées en sylviculture proche de la nature avec l'aide d' un expert forestier et d'un comité scientifique. Cette gestion est exemplaire, car elle concilie économie et écologie, production de bois de qualité et biodiversité, préservation du sol, du paysage.
2018 Malgré des incitations financières, des mesures forestières spécifiques au Morvan (cahier de recommandations paysagères, 4 chartes forestières, plans de massifs, renouvellement de la charte du PNR etc...) à l’élaboration desquelles l’association a participé, rien ne change sur le terrain. La loi forestière laisse au propriétaire toute latitude quant au choix des essences et des techniques. Si la tempête de 99 a un peu calmé la demande en bois du marché pour quelques années, les bonnes résolutions pour une autre sylviculture n'ont pas résisté aux déclarations politiques de produire toujours plus, aux aides à l'exploitation industrielle et aux discours sur le douglas «avenir économique du Morvan». Le douglas en quelques décennies est devenu le roi des forêts : adieu le châtaigner, l’ érable, le merisier, le chêne et le foyard (hêtre), adieu les beaux massifs aux noms enchanteurs : La Certenue, Le Mont de Meux, La forêt de Patuet, La Gravelle déjà sacrifiés.
Le renouvellement de la charte du Parc Régional du Morvan est l'occasion de valoriser ce patrimoine exceptionnel, tant pour les paysages qui peuvent être encore préservés, que pour ses atouts environnementaux, l'eau, la forêt, la biodiversité. Mais pour cela le Parc doit être doté de moyens réglementaires, et faire que ces mots « mais que fait le Parc» n'aient plus cours. Pourtant il est à signaler l'avancée importante avec une fiche forêts qui est un exemple.
2019 /2020 Les citoyens se mobilisent pour sauver la forêt. Les associations nationales et régionales — en autre AME montent au créneau , soutiennent les députés comme Delphine Bateau, Mathilde Panneau qui interviennent pour que la loi forestière interdise les coupes rases sauf les coupes sanitaires .
Depuis de nombreuses années déjà, des personnages illustres ont alerté sur la destruction des lieux sacrés de massifs entiers coupés à blanc, en plein cœur du Parc Naturel Régional.
«J’ai vu disparaître en trente ans la forêt celte du Morvan. Que faire contre la coalition de la loi, de l’administration et de l’indifférence? Chaque semaine, par centaines d’hectares, la forêt de lumière tombe sous l’assaut des scrapers. Place aux résineux.» François Miterrand dans L’Abeille et l’architecte, 1978
« La forêt en Morvan est gravement menacée. Elle a essayé de revivre, mais il faut deux générations pour qu’un chêne ou un hêtre parvienne à l’âge adulte. Qui donc à notre époque, hormis l’Etat pour les forêts domaniales et quelques propriétaires privés, possède la patience et les moyens matériels ? L’abus de conifères risque d’entraîner à long terme l’épuisement des sols, de modifier le climat, d’éteindre la faune et la flore. La terre n’aime pas ce travail de forceps. De plus, il s’agira d’un autre Morvan, à visage fermé, à l’accueil austère pour le promeneur et le familier. Peux-ton espérer le développement touristique par la technique de la terre brûlée, puis la transformation d’un milieu biologique et humain? Enfin, si notre passé a un sens et une valeur, ne va-t-on pas massacrer des sites qui abritent le plus pur de notre histoire? >> Jean SEVERIN, poète et écrivain, avant propos de la Charte du Parc du Morvan 2000/2008. Avant propos absent de la version définitive de la charte.
Madame Rignault députée qui interpelle le Ministre de l’environnement en 1993 sur le devenir des forêts morvandelles : « Monsieur le ministre, nous assistons depuis plusieurs années, dans le Morvan, au rachat massif de forêts par des groupes extérieurs à la Région Bourgogne dans le but, bien souvent pour ne pas dire toujours, de remplacer chênes et châtaigniers par des sapins. L’apparition de mouvements spontanés de défense de la forêt morvandelle et l’adhésion qu’ils rencontrent témoignent de l’inquiétude voire même de l’indignation des habitants concernés. Ceux-ci redoutent en effet que le Morvan ne perde peu à peu de son identité et s’interrogent légitimement sur le rôle effectif du Parc Régional en matière de mutation forestière. Que contez-vous faire pour préserver la diversité de nos forêts et quels moyens donnerez-vous aux Parcs Régionaux pour leur permettre d’accomplir leur mission?
Réponse de Monsieur Barnier alors ministre de l’environnement : « Madame le député, le constat que vous faites sur l’évolution du massif forestier du Morvan est juste et il est inquiétant. La forêt feuillue, la forêt noble, la plus traditionnelle dans le Morvan disparaît progressivement au profit de la forêt de résineux. Tout encourage d’ailleurs à cette évolution préoccupante et négative les aides publiques, la fiscalité, et le marché. Face à ce constat deux actions sont possibles : la réglementation des boisements à laquelle le ministre de l’agriculture Jean Puech (rapporteur du plan bois énergie) travaille activement et qui devrait être publié dans les prochains mois. Cette nouvelle réglementation favorisera plus que par le passé la diversité des essences. Encore faut-il que l’Etat et les collectivités donnent l’exemple dans leurs propres forêts. La seconde action sera rendue possible par le décret d’application de l’article 2 de la loi paysages qui permettra de rendre plus exigeantes les chartes des Parcs Naturels Régionaux».
«La Certenue a perdu beaucoup de son mystère le jour où on a tracé une route goudronnée, le jour on a dressé un poteau de télévision, le jour où on a déboisé tout l'environnement autour de la source sacrée. Ce dernier fait relève même de la criminalité : en une journée les bûcherons ont détruit le mystère de plusieurs millénaires » Chamoine Denis Grivaux
C’est aussi le cas depuis quelques années de l’environnement de la Chapelle de Faubouloin (vallée de l’Oussière) et des sources «sacrées» proches (fontaine du Frêne) , coupe à blanc d'une des dernières forêts de ravin site Natura 2000 , coupe autorisée ….